De nos jours, il serait semble t il assez difficile de confectionner une main de gloire, qui est pourtant un des accessoires de magie les plus réputés. Il serait des plus aventureux de couper la main d’un pendu et de faire fondre de la graisse humaine pour en faire une chandelle dont la mèche serait de préférence tressée des cheveux du mort. Pour cette raison, je m’étais, comme sans doute la plupart de mes contemporains, résigné à rester dans l’ignorance pour ce qui est de l’efficacité présumée d’un tel objet. C’était sans compter sur la Providence, qui organisa une rencontre avec un breton originaire d’Audierne, en Cornouaille finistérienne, dont je vais retranscrire le récit le plus fidèlement possible. Il m’a demandé, pour des raisons de confidentialité, de ne pas mentionner le nom des protagonistes.
“En mars 1949, mon père, qui venait de prendre sa retraite de capitaine de marine fut appelé au chevet de son oncle, dont il était le seul parent, et qui s’était retiré à Tréguier. Il passait pour rebouteux, et même quelque peu sorcier. On le disait capable de “vouer” à Saint Yves -de-la-Vérité, et de vous faire sécher sur pied en neuf mois. Bien que cela demandât un cérémonial des plus compliqués, jamais entrepris à la légère, le vieil homme était craint, et plus d’un se signait en passant devant sa maison. Il avait autrefois tenu commerce de toile, et le bruit courait que, durant la guerre, son activité lui avait permis d’ amasser une belle fortune. Il n’en laissait toutefois rien paraître et vivait chichement. Un jour par semaine, une femme âgée vaquait à son ménage et faisait pour lui quelques courses. C’est elle qui l’avait trouvé étendu sur le carreau de la cuisine. Le médecin diagnostiqua une attaque cérébrale et fit un mauvais pronostic.
Tant et si bien que mon père n’arriva que pour la veillée funèbre. Outre quelques vieilles voisines, il fut heureux d’y trouver Jean S. ancien camarade d’école, puis d’études, qui avait toujours été un joyeux compagnon, avant que les circonstances de la vie ne les séparassent. C’est donc tout naturellement qu’ils renouèrent des liens amicaux. Mon père resta sur place après les obsèques. Le défunt l’avait fait légataire universel. Déjà propriétaire à Lanester, mon père ne désirait pas garder la maison, et prit les dispositions pour la mettre en vente. Il sollicita l’aide de son ami Jean pour inventorier tout ce qu’il pouvait y avoir de mobilier et d’objets divers. Toutes les pièces étaient sobrement meublées, et seule la chambre du vieil oncle comportait de beaux meubles bretons en bois sombre, très ouvragés. En particulier un grand coffre qui faisait également office de siège, avec un haut dossier tout sculpté. C’est dans ce coffre qu’ils firent la trouvaille. Plusieurs boîtes en carton soigneusement rangées contenaient chacune divers objets : des pierres, des morceaux de bois taillés, peints de couleurs variées, et tout ficelés avec des plumes. Dans une autre, ce qui semblait être des talismans, sur papier, ou gravés sur du métal. Également quelques fioles au contenu incertain. En ouvrant la dernière boîte, Jean S.eut un mouvement de recul : soigneusement emballée dans un vieux satin rouge, la chose noirâtre qu’il avait sous les yeux était visiblement une main parcheminée serrant entre ses doigts osseux un bout de chandelle. Mon père, occupé à vider une armoire, accourut aussitôt et dès qu’il eût vu l’objet, reconnut une Main de Gloire. Il avait quelques connaissances en la matière, s’étant toujours intéressé à la sorcellerie, qui est si répandue en pays breton. Par contre, il n’était pas possible de savoir par quel cheminement un tel objet avait pu parvenir en possession de son oncle de Tréguier. Sur la boîte, était seulement inscrit à l’encre violette : Mac Leod 1853.
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